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[lundi 06 septembre 2010 à 08:44:02] Lu 370040 fois (351786 by )
SOCIETE / Sakineh : condamnée à mort pour un simple portrait
Quand religion et dictature sont un seul et même mot
Je voudrais m'exprimer sur un fait d'actualité qui me touche particulièrement. Sakineh Mohammadi Ashtiani, Iranienne, a été condamnée à la lapidation ainsi qu'à 99 coups de fouet par la justice de son pays pour une simple photo éditée par le journal britannique "London TImes".
Je me sens concerné par ce sujet puisque je travaille sur une série de portraits urbains. Je réalise, de manière impromptue mais toujours volontaire (j'insiste), une photo d'individus que je croise dans la rue. Chaque jour, je poste mon cliché qui s'accompagne du prénom et métier, ainsi qu'un petit texte d'accompagnement inspiré de notre rencontre. Quand j'ai débuté ce projet il y a quelques mois déjà, je ne me suis donné aucune limite, considérant que mes portraits devaient refléter notre société telle qu'elle se présente à nos yeux.
Je voudrais juste signaler que je n'ai pas jugé utile d'utiliser des portraits réalisés dans ma série pour illustrer cet article. Ma volonté n'est pas d'associer un projet artistique et un sujet politico-religieux, craignant de créer une confusion entre les raisons réelles des personnes ayant accepté de poser pour moi et leur propre conviction religieuse. Si vous voulez voir quelques jolis portraits, c'est par ici ou encore ici
Les invisibles...
J'ai bien sûr essuyé parfois quelques refus lors de mes approches. Mais ils sont peu nombreux, moins d'une dizaine. Majoritairement, l'approche des musulmans est très difficile et je le regrette. Quand l'obstacle n'a pas été celui de la langue (et oui, même en France, de nombreux citoyens ne parlent pas français ou le comprennent/parlent avec difficulté...), le dictat imposé par la religion a été le plus souvent la cause d'un refus catégorique. Des musulmanes, jeunes et moins jeunes, voilées ou pas, ont refusé que je les prenne en photo, craignant visiblement les conséquences d'une telle décision envers leur proche ou communauté. Aucune discussion possible sur le sujet ni même explication. Dès que je cherchais à en savoir un peu plus, la tête se détournait de moi et j'avais droit à une forme de mépris.
Je ne juge pas leur comportement ou même leur choix religieux. Je les respecte. Je m'interroge toutefois sur plusieurs points dont celle liée à l'intégration dans une société que nous partageons et dont, visiblement, une partie de la population s'exclue en coupant le lien même de la représentation de la personne. En clair, celui de l'individu dans notre société. Inutile de rappeler que la France (Liberté, Egalité, Fraternité) est composée de nombreux immigrés dont certaines communautés plus que d'autres. Pourquoi dans mon projet ne devrais-je pas pouvoir représenter - à égale proportion - ces parties de la population française ???
Un début d'explication...
Je voudrais revenir sur l'affaire Sakineh qui est le reflet - à l'extrême - des risques encourus par les personnes qui pourraient avoir des comportement trop occidentalisés, trop sociaux... et finalement trop intégrés. Pour un simple portrait non voilé, cette femme a été condamnée à la lapidation !!!
Le plus grave dans cette histoire, c'est que cette iranienne n'est victime que d'un malentendu car - il faut le préciser - le journal londonien à confirmer entre temps avoir publié la photo d'une jeune suédoise, activiste politique, sans foulard. Grâce à une mobilisation internationale, le châtiment a été temporairement suspendu. Espérons que le pouvoir iranien (ou plutôt "religieux") revienne sur son jugement et annule cette sentence d'un autre âge. Mais il est le reflet de l'épée de Damoclès qui plane au dessus de chaque individu ne respectant pas les dogmes d'une religion interprétée par certains extrémistes. Ces derniers ne sont pas uniquement situés en Iran, mais dans d'autres pays... et même en France. On comprend donc mieux pourquoi il devient difficile d'avoir des relations simples avec certaines communautés musulmanes. La sanction plane en cas d'écart. Fort heureusement, tout le monde n'interprète pas l'Islam ainsi. Et il ne faut pas non plus tomber dans la généralisation. Mais la gente féminine est la plus vulnérable et la plus craintive, contrainte dans bien des cas à demander l'autorisation de leur mari ou leur famille avant d'entreprendre quoi que ce soit. Ce manque de liberté d'expression individuelle, et donc d'autonomie, m'étonne à chaque fois. Nous sommes en 2010 bordel !
Dans ce tableau un peu noir, je préfère préciser que j'ai pu aborder certains musulmans (avec foulard) avec simplicité. Ils sont rares. Mais entre les raisons religieuses ou sociales (la peur d'être fiché, fliqué !!!), on se rend assez vite compte qu'un projet artistique basé sur la représentation photographique de notre société n'est pas chose toujours aisée. Ceci dit, il faut l'avoir fait pour mieux y être préparé à l'avenir. Et puis, cela fait réfléchir...
A côté de cela, notre société moderne a démocratisé l'accès aux médias d'information, l'usage du téléphone portable ou encore de l'internet. J'aimerai bien savoir si l'usage de l'appareil photo intégré et l'envoi des photos (qu'ils prennent entre eux) leur sont interdits...
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